25.06.2024
À l’heure actuelle, plus de la moitié des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) réalisés dans le cadre de la loi du 18 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte sont désormais adoptés. Quel bilan les collectivités font-elles à mi-parcours ? Nous nous sommes penchés sur une dizaine de rapports en région, produits par des territoires aux typologies diverses, afin d’en extraire quelques tendances sur les freins et leviers de la mise en œuvre des politiques climat-air-énergie.
Évaluer : une étape obligatoire trois ans après l’adoption du PCAET
Fin 2023, Intercommunalités de France publiait un état des lieux du suivi et de l’évaluation des PCAET. D’après cette étude, 97% des 124 intercommunalités soumises à l’obligation avaient initié la démarche ; la moitié avait adopté leur PCAET, et une partie d’entre elles était concernée par le suivi et la réalisation d’un bilan à mi-parcours, obligatoire trois ans après l’adoption du document.
En Auvergne-Rhône-Alpes, une trentaine d’intercommunalités ont publié leur PCAET entre 2016 et 2020 sur le site ADEME, et ont rédigé leur évaluation de mi-parcours entre 2020 et 2023, avec une accélération depuis fin 2021.
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Ces rapports permettent de faire un bilan des actions engagées par les collectivités au regard des moyens mis en œuvre, et de mesurer l’atteinte des objectifs fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, de consommations énergétiques, de développement des énergies renouvelables.
Plusieurs territoires partagent le constat que ces rapports sont des moments structurants dans la vie des collectivités, qui permettent de mobiliser les élus autour des enjeux et des politiques engagées. Ils constituent une bonne opportunité de réviser les priorités et l’affectation des ressources territoriales en concordance avec les objectifs régionaux et nationaux. C’est ainsi que dans la Communauté de communes du Pays du Mont-Blanc, la nouvelle équipe élue en 2020 a pu s’acculturer aux actions du PCAET, aux projets engagés et envisager de nouvelles actions, grâce à ce rapport à mi-parcours.
Les émissions de polluants atmosphériques en baisse
Parmi les tendances constatées, la baisse importante d’émissions de polluants atmosphériques (NOx, PM10) dans l’ensemble des territoires depuis 2015, notamment dans les secteurs des transports et résidentiel, qui a permis à de nombreux territoires d’améliorer considérablement la qualité de l’air et d’atteindre des objectifs ambitieux.
C’est le cas de la Communauté d’agglomération Annemasse-les-Voirons en Haute-Savoie. Ce territoire connaît une baisse d’environ 48% de ses émissions de dioxyde d’azote entre 2007 et 2020, date de publication du rapport de mi-parcours, proche d’un objectif initial de 55%.
Entre 2018 et 2022, de nombreuses réalisations concrètes bénéfiques pour la qualité de l’air ont été mises en place dans ce territoire intégré à la métropole du Grand Genève, notamment concernant le développement d’alternatives à l’autosolisme (Léman Express, tram, pistes cyclables, voie verte...). Ainsi, malgré une forte augmentation de la population (+14%), les déplacements en voiture n’ont augmenté que de 1%. La Maison de la Mobilité et du Tourisme, lancée fin 2018, joue désormais un rôle significatif, par exemple pour accompagner les entreprises dans la conception de leurs plans de mobilité : en 2022, 3214 salariés dans 60 entreprises avaient été sensibilisés.
Notre ambition était d’ accompagner la révolution de la mobilité, en encourageant les usagers au changement. Il y avait une vraie volonté de faire fusionner l’office de tourisme et la Maison de la mobilité, constatant l’importance du sujet de la mobilité dans les réponses de l’office. Malgré les difficultés rencontrées pour relier les deux entités, on arrive à faire travailler les acteurs ensemble et apporter des services pluriels : guichet d’accueil sur les mobilités, expositions, vélos-stations , etc.
Esther Bergerby, chargée de projets transports urbains et modes actifs à Annemasse Agglomération
Si les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont globalement en baisse dans ces territoires, on notera néanmoins de fortes inégalités. Les diminutions sont généralement plus importantes dans les secteurs des transports et des bâtiments que dans d’autres secteurs (agriculture, tertiaire), comme en témoignent les données de Haut-Bugey Agglomération dans l’Ain, dont le rapport a été publié en 2022. Ce territoire, marqué par la présence d’industries importantes ainsi qu’une attractivité touristique forte, connaît une baisse de 9% ses émissions de GES entre 2013 et 2020, un taux plus haut que l’objectif initial fixé (6%).
Le raccordement d’une partie du territoire à un réseau de chaleur urbain y contribue en grande partie : les besoins en chaleur sont couverts à 76% par ce réseau, alimenté à 60% par des EnR (bois-énergie). Les objectifs du PCAET, notamment le rythme de rénovation du bâti, ont été revus à la hausse depuis 2021, tenant compte de la loi énergie climat d’août 2019.
Du côté du Grand Chambéry, la collectivité constate une baisse de ses émissions de GES de 12% entre 2015 et 2021, son objectif étant de -17% à horizon 2025. Ces objectifs sont donc presque atteints, notamment dans le secteur résidentiel, le résultat de politiques nationales et locales de rénovation, avec une amélioration conséquente des systèmes de chauffage (pompes à chaleur, poêles à granulés).
La part d’EnR dans la consommation d’énergie encore loin des objectifs
La part d’EnR dans la consommation d’énergie s’élevant autour de 10 ou 15%, dans les rapports étudiés, reste insuffisante, au vu des objectifs 2030 de 30 à 40% selon les cas. Beaucoup de collectivités ont néanmoins renforcé leur mix énergétique, en priorisant le développement du bois-énergie, de pompes à chaleur, du photovoltaïque… Dans de nombreux cas, la production d’EnR augmente, atteignant parfois les objectifs fixés (c’est le cas de Loire-Forez Agglomération) ; mais la consommation d’énergie sur le territoire stagne ou augmente dans le même temps, particulièrement dans les territoires fortement urbanisés.
Certains territoires, comme Loire Forez Agglomération, ont pu rapidement mettre en œuvre des actions structurantes. La collectivité s’était fixé l’objectif d’atteindre 360GWh à l’horizon 2021 et a dépassé ces résultats, avec des données estimées à 431GWh en 2022, soit une augmentation de 16% par rapport à 2015. Un investissement important a été déployé dans les filières photovoltaïque et bois-énergie. Le Département de la Loire a notamment investi 7,8 millions d’euros dans la filière bois-énergie à horizon 2027, et a signé un contrat territorial forestier avec Loire Forez en mars dernier.
Des freins et des leviers identifiés
Des freins sont cités dans la mise en œuvre des actions du PCAET dans les rapports à mi-parcours des PCAET, parmi lesquels :
- La crise sanitaire et l’affaiblissement de dynamiques de mobilités collectives (covoiturage, autopartage…), traduisant une difficulté à comprendre les facteurs en jeu dans les dynamiques de consommations, d’émissions de GES… avec une rupture dans le système de suivi des indicateurs ;
- Des changements dans la population, notamment dans le Pays du Mont-Blanc avec la démarche « Ambassad’R – ambassadeurs de l’air et de l’énergie » engagée pour sensibiliser et accompagner la population dans la réduction des émissions provenant du résidentiel, qui a permis de créer un dialogue important avec le territoire, mais a soulevé des critiques à l’égard de la responsabilisation individuelle au regard des pollutions industrielles locales.
D’autres collectivités témoignent de la difficulté du suivi annuel et de l’évaluation des données, et de la cohérence du programme Territoires engagés Transition écologique de l’ADEME, pour structurer et suivre leur plan d’actions autour d’une réflexion globale, mettre en valeur des projets territoriaux et inscrire des actions supplémentaires non prévues au démarrage du PCAET.
Annonay Rhône Agglomération, en Ardèche, s’est engagée volontairement dans le programme en 2021, un an après l’approbation du PCAET, avec l’objectif d’une « prise en compte toujours plus importante de la transition écologique dans les politiques publiques ». Le rapport à mi-parcours du PCAET date de 2023.
Le fait de s’inscrire dans cette labellisation a permis de donner un nouveau souffle, et de mobiliser des agents sur différentes thématiques du PCAET. La problématique a été la différence d’indicateurs entre PCAET et TETE, avec seulement une vingtaine d’indicateurs de suivi communs, sur les 130 que compte le PCAET. Pour autant, le travail du bureau d’études qui accompagne la collectivité dans sa labellisation, a permis d’apporter un regard extérieur, des propositions pour la suite, et de partager les avancées d’autres territoires, c’était très enrichissant
Jeanne Magnan, chargée de mission PCAET à Annonay Rhône Agglomération
Il faut accélérer !
Les rapports de mi-parcours représentent une occasion de reprioriser et réajuster les objectifs initiaux, dans un contexte où les courbes de consommations d’énergie repartent à la hausse dans la plupart des territoires, retrouvant les chiffres de 2019, après un constat parfois euphorique imputable aux crises Covid et énergétique. Les secteurs du tertiaire et des transports semblent peser plus lourdement dans cette nouvelle augmentation. Certains territoires ont connu une hausse bien moins importante post-Covid : c’est le cas du Pays du Mont-Blanc, de la Métropole de Lyon, d’Annemasse Agglomération…
Les territoires partagent le constat d’une nécessaire accélération de la mise en œuvre des actions, et d’un effort conséquent et équitable des territoires pour atteindre les objectifs fixés.
La Communauté d'agglomération du Pays Voironnais, en Isère, s’est réunie en mars pour discuter des enjeux prioritaires pour la seconde période du mandat avec l’ambition de renforcer l’action en faveur du climat en contribuant à la préservation des ressources locales et à la résilience agricole du territoire.
La Communauté de communes Thiers Dore Montagne, dans le Puy-de-Dôme, a publié un rapport cette année. Elle poursuit une dynamique de rénovation des bâtiments du territoire et d’aménagement d’espaces publics et de voies de circulation pour favoriser la multimodalité, avec un projet d’extension de l’aire de covoiturage à l’ouest de la ville-centre, Thiers.
Nous avons signé un schéma directeur immobilier énergétique qui va nous permettre d’envisager les rénovations qui entraîneraient une diminution de notre impact environnemental. [...] Je reste optimiste, il va falloir accélérer.
Rachel Bournier, maire de Sauviat et vice-présidente en charge de la Transition écologique de la CCTDM (source : La Montagne)
Rappel des objectifs régionaux
La trajectoire du SRADDET, vers laquelle les territoires doivent tendre afin d’atteindre l’ambition régionale, est la suivante à l’horizon 2030 :
- -30% d’émissions de GES
- -23% de consommations par habitant
- +54% d’EnR
- Une réduction des polluants atmosphériques dans l’air
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