[ADAPTATION] Les zones urbaines face aux fortes chaleurs, Métropole de Clermont-Ferrand

La canicule de juin 2019 a eu pour effet une prise de conscience rapide des conséquences du dérèglement climatique sur la métropole. Plusieurs actions ont été mises en place, parmi lesquelles une actualisation de l’étude de vulnérabilité du Schéma de transition énergétique et écologique prévoyant des dispositifs concrets d’adaptation urbains.

À propos du territoire

Sur l’ensemble de ses 21 communes, Clermont Auvergne Métropole compte 290 000 habitants. Installée au pied du puy de Dôme, Clermont-Ferrand est célèbre pour sa « cathédrale noire ». La ville a été façonnée dans un ancien volcan phréato-magmatique. Elle est dominée par un plateau granitique (800 mètres environ) où se situe la chaîne des Puys dont le plus réputé, le Puy de Dôme, culminant à 1465 mètres. À l’est de la ville, se trouve la plaine fertile de la Limagne où passe l’Allier.

Engagées dans la démarche TEPOS-CV depuis 2016, la Métropole clermontoise et la Ville de Clermont-Ferrand ont élaboré en 2019 leur schéma de transition énergétique et écologique : feuille de route dont l’objectif est d’arriver à un territoire « sobre et efficace », constituée de nombreuses actions contribuant à l’adaptation au changement climatique en faveur d’une « ville verte et bleue » où la nature restera fortement présente ; elle comprend la déclinaison du projet alimentaire territorial (réalisé par le Pôle d’équilibre territorial et  rural du Grand Clermont) s’appuyant notamment sur une ceinture verte agricole, ou encore d’un programme ambitieux de rénovation énergétique des logements et des bâtiments publics. Parmi les facteurs de réussite bien identifiés : la sensibilisation des habitants de la métropole aux enjeux actuels et à venir.

Le territoire face au changement climatique

L’évolution de la température moyenne entre 1960 et 2020 sur le territoire clermontois montre une augmentation de 2,2°C en hiver, de 2,6°C au printemps, de 3,3°C en été et de 1,9°C à l’automne, avec une hausse plus importante en montagne qu’en plaine.

En ville, lors de la canicule de 2003, un écart de 8°C a été mesuré entre la station de référence et le quartier historique de Montferrand.

La première étude de vulnérabilité du territoire clermontois date de 2013. « Elle n’a eu que peu d’impact sur les décisions prises par les élus : le sujet n’était pas encore mûr. A l’époque, il y avait des canicules, mais ce n’était pas encore aussi systématique qu’aujourd’hui. Surtout, la sécheresse n’était pas encore un sujet en Auvergne. Nous étions persuadés d’être le fameux château d’eau de la France, sans risque de pénurie d’eau. En outre, la littérature sur le sujet ne suffisait pas pour bien nous projeter. Nous avions des données sur le climat passé, de la prospective grâce à Météo France, mais nous n’avions pas le scénario d’un monde où il fait chaud 50 jours par an » explique Violaine Magne, cheffe de service Stratégie et Animation, à la Direction Développement durable et Énergie pour la Ville de Clermont-Ferrand et Clermont Auvergne Métropole. « L’étude est ainsi très vite devenue obsolète sur les questions de ressource en eau. »

L’été 2019, très chaud, avec une période de canicule dès le mois de juin, marque un tournant. Les élus prennent la mesure de l’urgence d’agir pour faire face au réchauffement climatique, notamment dans les écoles. « Des températures supérieures à 35 degrés dans les salles de classe, ça a été un épisode inédite et traumatisant », ajoute Violaine Magne. Lors de la nouvelle mandature en 2020, l’équipe municipale impulse alors une vaste dynamique et lance un plan de transformation des cours d’écoles pour les rendre plus agréables et mieux adaptées aux besoins de tous.

Puis en 2022, la métropole connaît une longue période de vigilance renforcée en matière de sécheresse et le barrage de Naussac qui soutient l’Allier, ressource principale pour l’approvisionnement en eau potable, connaît des niveaux dangereusement bas. La collectivité s’interroge sur sa capacité à approvisionner en eau potable la population. Des études sur cette indispensable ressource sont lancées, tandis que la Métropole déploie une campagne de communication appelant aux économies d’eau (« Ouvrons les yeux, fermons le robinet »)

Profitant de l’appel à volontaires de l’ADEME qui cherche des collectivités pionnières pour tester sa méthode TACCT (Trajectoire d’adaptation au changement climatique des territoires), une nouvelle étude de vulnérabilité est  lancée. Des données de nombreuses sources institutionnelles (DDT, ARS, agence de l’eau) sont utilisées et l’expertise d’usage des agents de la collectivité et des acteurs du territoire dans les domaines de l’aménagement, de l’eau, de la forêt, de l’agriculture et de la biodiversité, est recueillie. Ces données permettent de construire un diagnostic et de compléter le plan d’actions du Schéma de transition énergétique et écologique, lors de son actualisation en 2023.

La culture de l’adaptation en base pour dresser des priorités

La culture de l’adaptation se met progressivement en place pour la gestion de l’eau dans les piscines ou sur la voirie par exemple, pour les plantations de végétaux plus résistants à la sécheresse ou à la chaleur ou encore pour les aménagements favorisant la fraîcheur urbaine et la rénovation des bâtiments intégrant le confort d’été. De nouvelles expertises se développent.

Ces pratiques sont une base pour réfléchir aux stratégies de plus long terme et sont aussi questionnées avant d’être généralisées. Pour Violaine Magne, il s’agit d’un véritable changement de culture.

Quatre enjeux sont prioritaires :

  • La ressource en eau : car les sécheresses récurrentes entraînent la baisse de la ressource en eau , avec des risques de conflit d’usage et de déstabilisation de l’économie agricoles
  • La santé des arbres en ville et en forêts : leur dépérissement entraîne une surchauffe urbaine plus importante et en périphérie, l’accroissement des risques de ruissellement et de coulées de boues
  • Les catastrophes naturelles : le retrait gonflement des argiles menace la sécurité des bâtiments et des infrastructures et les inondations menaçant les habitants et les biens
  • La santé publique : la canicule cause un grand inconfort thermique dans les bâtiments et l’espace public.

Sur ce dernier point, la Métropole et la Ville de Clermont-Ferrand mettent en place des actions concrètes en zone urbaine :

  • Une amélioration de la connaissance territoriale et des aménagements adaptés à la chaleur, (études spécifiques sur l’ICU et scoring ICU)  ;
  • Une cartographie des lieux frais dans la ville en opendata, permettant la valorisation d’îlots de fraicheur et de zones d’ombre pour les habitants et les touristes ;
  • Le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) en cours de validation comprend une Orientation d’aménagement et de programmation dédié à la Trame verte et bleue et aux paysages
  • Un vaste plan de végétalisation de cours d’école : Respire à la Récré.

Ces actions sont menées avec la participation des habitants, par exemple, s’agissant des mesures de température, d’évaluation du ressenti de la chaleur et du confort dans  les équipements et l’espace public.

Lutter contre les îlots de chaleur et la canicule

En journée, les matériaux de la ville absorbent une chaleur qu’ils restituent la nuit, contribuant à l’îlot de chaleur urbain, c’est-à-dire l’effet de cloche de la courbe de température au-dessus des zones d’urbanisation très denses. En période de canicule, ce phénomène est renforcé.  Voilà pourquoi, des mesures sont prises pour lutter contre l’ilot de chaleur et assurer la santé publique.

Les études d’aménagement pour mieux prendre en compte le phénomène

L’adaptation des zones urbaines de la métropole aux fortes chaleurs a poussé la collectivité à s’équiper d’instruments de mesure (capteurs) pour suivre la chaleur sur des secteurs d’aménagement au périmètre restreint, avant et après travaux. Ainsi, lors d’un aménagement, les services peuvent anticiper et les élus sont guidés dans le choix de leviers pour lutter contre le réchauffement, qu’il s’agisse de végétalisation, présence de l’eau, type de revêtement ou type d’aménagements urbains.

La carte des îlots de fraicheur

La Ville de Clermont-Ferrand a recense les puits de fraîcheur, zones refuges,  d’accueil, de halte ou de repos, ombragées et accessibles au grand public dans des zones densément peuplées à Clermont-Ferrand. 

OpenData Clermont-Ferrand est le site de données ouvertes de la ville de Clermont, qui partage les informations nécessaires afin de se protéger de la canicule : 11 parcs urbains boisés, 136 points d’eau (58 fontaines, 72 bornes à manivelle, 2 piscines, 4 rivières et cours d’eau), 15 établissements ouverts au public (2 médiathèques, 2 bibliothèques, 6 lieux culturels, 3 musées et 2 marchés couverts).

L’orientation d’aménagement et de programmation (OAP) : Trame verte et bleue

Parce que le végétal et l’eau sont sources de fraîcheur, leur présence doit être accrue dans les zones urbaines. Ainsi, la trame verte et bleue (TVB), initialement pensée pour préserver et restaurer un réseau de continuités écologiques permettant aux espèces animales et végétales de circuler, s’alimenter, se reproduire, se reposer, en bref assurer leur cycle de vie, participe du rafraichissement à l’échelle de l’agglomération. La mise en place d’un corridor écologique entre le Val d’Allier et les secteurs urbanisés de Clermont-Ferrand est par exemple un atout en matière de tourisme de fraîcheur, tout en prenant soin d’anticiper la sur-fréquentation en période caniculaire.

Une OAP « Trame Verte et Bleue » est inscrite au Plan local d’urbanisme intercommunal. Le PLUi préserve des espaces naturels et met à disposition une cartographie à l’échelle de la métropole des espaces verts, naturels ou agricoles et des linéaires de cours d’eau à préserver et renaturer dans les 10 ans à venir. Le PLUi identifie également une zone “Secteur sensible aux îlots de chaleur” sur le cœur urbain et périurbain central. Sur cette zone, à partir d’une certaine surface (environ 1 000m2), il sera impératif de préserver au minimum 40 % de surface de pleine terre.

Respire à la récré 

Le dispositif « Respire à la récré » mis en place par la ville de Clermont-Ferrand est un vaste plan de végétalisation des cours d’école. D’un montant de six millions d’euros, il vise à changer le visage des cours d’école, à raison de quatre écoles par an, pour une vingtaine en tout. Le fil rouge est la désimperméabilisation et la végétalisation de ces espaces. Les démarches sont également menées en concertation avec les équipes municipales, enseignantes et bien sûr les enfants qui sont invités à imaginer leur cour idéale.

Le groupe scolaire Charles-Perrault a été le premier à bénéficier des travaux d’aménagement, en 2021, après une concertation avec les élèves, les enseignants, les agents municipaux et les parents d’élèves. À la fin de l’année 2023, 9 cours ont été transformées ; 8 000 m2 ont été désimperméabilisés, plus de 150 arbres et 9 000 arbustes ont été plantés. 11 autres cours sont au programme avec l’objectif d’atteindre les 20 cours transformées et que plus de la moitié des enfants des écoles publiques (55 %) profitent d’une cour végétalisée en 2026.

Aujourd’hui, ce sont 1000 élèves qui profitent de ces nouveaux espaces plus agréables, plus fonctionnels. Les sols ont été désimperméabilisés, des zones ombragées ont été créées, le végétal remplace le minéral. Les ambiances plus sereines permettent aux enseignants d’utiliser ces espaces pour des projets pédagogiques, de faire la classe à l’extérieur, et de mieux partager les espaces communs, les jeux de ballon n’occupant plus la majorité de la cour.

Bilan et perspectives

La collectivité doit faire connaître à la population les vulnérabilités du territoire au changement climatique, notamment face aux canicules et aux sécheresses pour que chacun puisse s’y adapter. Les aménagements urbains favorables à la fraîcheur (désimperméabilisés, végétalisés), ainsi que les orientations du PLUi dans son OAP Trame Verte et Bleue constituent   un axe central de la stratégie d’adaptation du territoire aux changements à venir. Clermont Auvergne Métropole a également pour mission la renaturation des cours d’eau afin de redonner une fonctionnalité écologique à des rivières domestiquées. Les réflexions sur la stratégie sont toujours en cours, avec les acteurs du territoire, pour anticiper d’éventuels futurs conflits d’usage sur l’eau, mais également pour mieux anticiper les phénomènes naturels extrêmes qui pourraient toucher massivement le territoire, notamment le retrait-gonflement des argiles.