Département du Rhône : une stratégie de solarisation territoriale et partenariale

10.07.2024

Le Département du Rhône est engagé depuis plusieurs années dans une stratégie globale de transition énergétique avec, pour priorité, le développement de l’énergie solaire locale. La société Rhône Mégawatts créée en octobre 2023, avec un modèle de partenariat public-privé partagé entre la collectivité et trois experts sélectionnés lors d’un appel à manifestation d’intérêt - Terre & Lac, Serfim EnR et Solarhona - est l’outil phare du programme. Celle-ci est chargée de développer et massifier la production d’énergie solaire par programmation de projets.

Pour Frédéric Pronchéry, vice-président délégué à l’Environnement au Département du Rhône et maire de Belleville-en-Beaujolais, cette stratégie répond à l'urgence d’agir : « Il faut se réapproprier la question de l’énergie et relocaliser la production, c’est le seul moyen pour maîtriser les coûts tout en participant à la production ».

Guidé par la volonté de massifier les EnR, l'élu a donc proposé cette stratégie au Département, avec la volonté d’« embarquer tout le monde » -communes, EPCI, les deux CCI du territoire, Deux Fleuves Rhône Habitat (ex-OPAC du Rhône), la Chambre d’agriculture … -  et de créer un « effet boule de neige » sur les autres départements. « Quand on montre que c’est réalisable, ça permet de démultiplier les résultats.»

Les explications de Nicolas Laroche, responsable Mission EnR au Conseil départemental, sur la mise en place de la stratégie globale de transition énergétique du Département du Rhône.

Comment a émergé la priorité du développement des EnR au Département du Rhône ?

Nicolas Laroche : Tout a été initié en mai 2021, lors de la signature de l’accord cadre CRTE contrat de relance et de transition écologique cosigné par les 12 EPCI du Rhône et l’État, avec un Département qui se positionne en accompagnateur et accélérateur des projets de transitions du territoire. La proposition de feuille de route « transition énergétique » s’est travaillée sur 2021-2022, pour aboutir à la stratégie globale départementale de transition énergétique, comprenant 6 axes dont 5 consacrés aux EnR (le 6e étant dédié à la maîtrise de la consommation énergétique). Sur la production d’énergies renouvelables, la priorité est le photovoltaïque car c’est une technologie mature, qui présente un fort potentiel dans le Rhône, avec des besoins propres dans la mesure où nous avons subi l’explosion des factures d’électricité.

Un premier objectif EnR est fixé à 2027 : couvrir la totalité des consommations des bâtiments publics du département, avec une production de 140GWh (l’équivalent des besoins de 50 000 habitants).

Plus largement, comment les territoires sont-ils associés au projet ?

NL : Depuis 2021, le PACTE Rhône - démarche de partenariat avec les 12 EPCI du Rhône - a permis de définir collectivement la feuille de route « transition énergétique », via un groupe de travail EnR composé de référents techniques des EPCI en charge du volet transition énergétique sur leur territoire. Ce groupe de travail est là pour apprendre à travailler ensemble, identifier et partager les opportunités et les initiatives déjà engagées, créer une dynamique, et la renforcer.

De plus, dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt Photovoltaïque lancé en 2023, nous avons opté pour une approche collective, avec un jury composé de membres représentant les territoires (EPCI et communes) et des partenaires (CCI, chambres d’agriculture, Deux Fleuves Rhône Habitat).

Depuis fin 2023, nous sommes entrés dans la phase opérationnelle avec nos 3 opérateurs privés lauréats de l’AMI pour :

  1. Structurer et monter des outils économiques (exemple des sociétés de projets Rhône Mégawatts) pour que les partenaires, dont les EPCI, puissent être acteurs. L’objectif est de créer des outils qui permettent de générer le maximum de retombées locales.
  2. Apporter des réponses technologiques, juridiques et financières vis-à-vis des différents sites qui présentent une opportunité de solarisation (fonciers publics, ou privés auprès d’entreprises, bâtiments agricoles…).

Nous sommes en train d’écrire le Rhône Mégawatts en direction des territoires avec la possibilité pour les collectivités de participer au capital des sociétés de projet mais aussi, progressivement, en fonction du degré de maturité des projets des territoires. L’objectif affiché est de permettre de faire partie de l’aventure, d’être informé des avancées et possibilités de l’offre Rhône Mégawatts. Pour cela, nous nous rendons disponibles lorsque des communes ou EPCI (bureau communautaire, bureau des maires) nous sollicitent, pour expliquer la démarche et les opportunités de projets, et voir comment cela peut bénéficier au territoire.

Les partenariats public-privés ne sont pas des démarches classiques en collectivités, pour autant nous y croyons. Nous avons écrit à l’ensemble des communes qui nous ont fait remonter leur potentiel et nous créons des sociétés en fonction de la situation du territoire. Dans un second temps, il faut aussi bâtir les – Rhône Mégawatts entreprises, agricoles etc.-, au bon moment et au bon endroit.

Frédéric Pronchéry, vice-président délégué à l’Environnement au Département du Rhône et maire de Belleville-en-Beaujolais

Concernant le mode de valorisation de l’électricité produite, l’offre de base est l’injection sur le réseau, avec un modèle de financement par tiers investisseur. Mais au gré des sollicitations reçues, un montage permettant des opérations d’autoconsommation individuelle ou collective sera proposé (tout en veillant au préalable, au cadre juridique d’un modèle d’interventions).

Aujourd’hui, une cinquantaine de projets sont dans les tuyaux. En plus du foncier du Département, deux territoires se sont lancés : les communautés de communes Saône Beaujolais et de l’Est Lyonnais avec le projet de solarisation du site sur l’ancienne décharge de Colombier-Saugnieu en décembre dernier.

L’Académie de la Transition énergétique du Rhône a été inaugurée en avril 2023. Pouvez-vous dresser un premier bilan ?

NL : Le mot d’ordre de l’Académie c’est « se former pour agir ». L’Académie est à destination des techniciens, élus, managers, mais aussi des acteurs privés… Ce sont des parcours de formation ciblés ou des temps de sensibilisation-formation, comme sur « Paysage et Énergie » avec le CAUE, ou le webinaire d’acculturation de la loi d’accélération des EnR, déployés avec Amorce et l’AMF du Rhône. Au total, sur la première année, nous avons réalisé 10 événements majeurs. Nous travaillons les partenariats (CNFPT, Enedis …), notamment dans le but d’aller chercher des sachants, et allons poursuivre le déploiement de l’Académie sur d’autres sujets, comme le biogaz qui fait partie des priorités du Département. Nous avons aussi bien identifié AURA-EE comme l'un des acteurs clés.

Pour Frédéric Pronchéry, l’Académie est une manière « d’acculturer tous les acteurs car les enjeux sont compris mais ne sont pas maîtrisés. Il faut former tout le monde autour de nous, et que tout le monde ait le même niveau d’information. »

Quels ont été les retours et impressions des élus lors du wébinaire sur l'accélération des EnR ?

NL : Ce webinaire a consacré une première partie à l’explication de cette nouvelle loi, et dans une deuxième partie, a proposé une méthodologie et les outils disponibles pour accompagner la délimitation des zones d’accélération des EnR.

Ce format permet de créer un espace d’échanges pour les élus afin de partager leurs approches, leurs difficultés autour de ces nouveaux sujets des transitions, mais surtout de les acculturer et de les rassurer. Et parce qu’on arrive à réunir ensemble et en même temps un réseau de partenaires (élus, État, acteurs du secteur énergétique), on crée les conditions pour se réapproprier les enjeux énergétiques sur son territoire et les conditions de réussites des actions en faveur de la transition énergétique.

Comment la stratégie départementale s’articule-t-elle avec celle de la Région, de l’État ?

NL : L’échelon départemental amène une nouvelle articulation à travailler et crée une nouvelle dynamique. Notre rôle est de rassembler, mutualiser, coordonner, changer d’échelle, massifier, mettre en mouvement.

C’est un défi collectif pour lequel on se doit de veiller à bien articuler les différentes démarches et accompagnement de chacun des acteurs, l’État, la Région, le Département, l’ADEME (le réseau Élus pour Agir) qui œuvrent tous en faveur de la transition énergétique de nos territoires.