05.09.2024

Comment investir sans grever un budget de plus en plus contraint ? C’est un dilemme auquel la plupart des collectivités locales sont confrontées qui les amène parfois à faire des choix politiques impossibles entre rénovation énergétique des bâtiments publics et aide sociale à l’enfance, par exemple… Il existe pourtant un outil comptable souple et adapté que peu utilisent encore et qui peut les aider à résoudre ce casse-tête : l’intracting, ou fonds d’économie d’énergie.

Albertville (Savoie) est depuis longtemps confrontée à la question énergétique : elle bénéficie d’un important patrimoine communal issu des Jeux Olympiques d’hiver de 1992 cependant gourmand en énergie. Cette dernière représente le second poste de dépenses de la commune après celles de personnel.  Parmi d’autres actions stratégiques telles que la création d’un réseau de chaleur bois et le déploiement d’un plan de rénovation des écoles, elle a tout naturellement répondu favorablement à l’appel à projets de l’ADEME et de la Banque des Territoires lancé en 2017 autour du financement de la rénovation énergétique. Sandrine de Ternay, directrice du service financier, a participé aux nombreuses rencontres et groupes de réflexion menés dans le cadre de cette opération. C’est ainsi qu’elle a découvert un mot barbare qui cache une démarche de bon sens : l’intracting. « Il suffisait d’y penser ! », assure celle qui allait lancer la démarche dans la vallée de la Tarentaise.

Sanctuariser les économies

Le principe ? Sanctuariser les économies générées par les actions d’efficacité énergétique dans un budget affecté à des actions de même nature. « C’est un simple outil de gestion, explique-t-elle. Une ligne budgétaire qui permet de mener, petit à petit, des actions la plupart du temps reportées à plus tard. Ce temps de retour très rapide a permis le relamping complet des écoles et des gymnases et de moderniser l’éclairage public en un temps record. » Avec une mise de départ d’un peu moins de 120 000 € en 2019, la commune a pu investir 1,7 million € dans une soixantaine d’actions d’économie d’énergie sur la période 2019-2024 et disposera de plus de 600 000 € à investir pour 2025.

Des économies directement réaffectées

Concrètement, chaque service porteur d’un projet signe une convention avec la direction financière qui détaille l’utilisation du fonds intracting et calcule les économies d’énergie attendues qui pourront être réaffectées à d’autres actions.

« Nous récupérons le fruit de nos efforts, apprécie Damien Meignan, directeur des Services techniques. Nos actions de sobriété et d’efficacité – remplacement des horloges astronomiques de l'éclairage public ou achat de débroussailleuses électriques – nous permettent de programmer d’autres actions intéressantes. C’est très motivant pour les équipes. Depuis 2019, cela monte en puissance, avec des actions limitées au début, jusqu’à l’équipement en panneaux photovoltaïques d’une école d’ici la fin de cette année ! C’était inimaginable au départ. Cela pousse les services à innover, car leurs initiatives sont récompensées et prises en compte, dans la mesure où c’est un système très souple de propositions/validations entre un service et la direction financière, gestionnaire du budget. »

 

De meilleures conditions de travail

La motivation s’accompagne également d’une amélioration des conditions de travail pour tous : l’équipement en LED – plus durable - évite de nombreuses interventions de maintenance chronophages et contraignantes, permettant aux agents de passer ce temps gagné sur des missions plus valorisantes. « Changer les fenêtres de la mairie, outre les économies de chauffage que cela engendre, nous fait gagner en confort d’été », souligne le directeur.

Une démarche partenariale

Un principe de coopération préside à la conception d’un budget pour mettre en œuvre un projet avec la direction financière : rien à voir avec la foire d’empoigne que peut constituer l’arbitrage budgétaire annuel où chacun doit prouver sa valeur envers et parfois contre les autres.

« Certes, c’est une saine bataille, admet Frédéric Burnier-Framboret, maire d’Albertville depuis 2017 et à l’origine de la démarche, mais l’intracting permet à l’inverse de collaborer. C’est une démarche partenariale entre services techniques et direction financière, source d’échanges et de respect, mais aussi de résultats profitant à tous. Et cela lève bien souvent des freins. Ainsi, les véhicules électriques avaient peu la cote dans nos territoires montagneux, où les températures mettent à mal le fonctionnement des batteries. Mais dès lors que les économies de carburant ont permis de récupérer un budget pour mieux équiper encore le service voirie, les freins sont tombés. Cet effet levier est très rapide et automatique. Il permet de planifier, de s’engager sur plusieurs années sur une politique en en récoltant les fruits : tout le monde y gagne, de l’élu aux habitants, en passant par les agents et l’encadrement. »

Rive-de-Gier se lance

Une fois la démarche votée, expliquée à tous, il suffit de décider d’un budget de départ – à Albertville, 120 000 € sur un budget communal de 20 millions d’€ - et de mesurer les économies pouvant être réalisées à court terme par des premières actions.

En 2024, grâce à un tutorat d'Albertville organisé par AURA-EE avec l’aide d’ACTEE et Energy Cities, la Ville de Rive-de-Gier s’est lancée. Elle a affecté 190 000 € à son « fonds interne d’économies d’énergie » et a lancé un groupe de travail rassemblant les services pour lister les actions d’économie susceptibles d’être financées par le fonds.

« Les idées ne manquent pas, explique Jean Pont, adjoint au maire chargé des finances, comme l’arrosage piloté des espaces verts. Nous avons souhaité dès le départ ouvrir aux économies d’eau, car c’est un enjeu de société fondamental qui peut être tout autant chiffré en termes de retours économiques que l’énergie. »

Ouvrir à d’autres domaines que l’énergie est également dans les tuyaux à Albertville : « nous aimerions financer des interventions sur les forêts et la renaturation en ville selon la même philosophie, explique Sandrine de Ternay, encore faut-il chiffrer ce que rapporte la biodiversité en termes de bien-être, de non-dépenses de santé, etc. Nous y travaillons ! »