Certificats d'économie d'énergie : mutualiser pour massifier en Haute-Loire

16.12.2024

Alors que des Certificats d’économie d’énergie (CEE) ont été délivrés en 2023 pour plus d’un million d’opérations, il semble que les collectivités locales, et a fortiori celles de petite taille, aient du mal à s’approprier le dispositif. Or, avec 5Mds€/an, il représente, en volume, la première aide à la rénovation énergétique et il conditionne le financement de certains travaux de rénovation énergétique grâce aux avances de trésorerie qu’il permet. Le Département et la Direction départementale des territoires de Haute-Loire lancent une expérimentation pour mutualiser l’accompagnement et le financement de ces travaux.

L’Agence d’ingénierie des territoires de Haute-Loire – Ingé43, un service du Département - co-préside, avec la Direction départementale des territoires (DDT), le Comité local de cohésion territoriale (CLCT). Celui-ci a décidé, en juillet dernier, de faire une priorité de la mobilisation des CEE pour les travaux d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments publics engagés par les collectivités. Territoire de moyenne montagne, la Haute-Loire est fortement concernée par la question énergétique, avec plus de la moitié de la population résidant dans des communes rurales. Or, au niveau national, les deux-tiers des communes de moins de 5 000 habitants n’ont jamais valorisé de CEE. « Et pourtant, étant donnés leurs moyens limités, il leur faut capter toutes les sources de financement possibles, explique Stéphane Fraycenon, directeur d’Ingé 43, sous peine de renoncer aux travaux. »

 

Dans la vie d’une opération, au moment où la commune doit se mobiliser sur le dossier des CEE, elle a d’autres priorités

Une démarche hyper-technique

Valoriser des CEE suppose une gestion administrative précise, très normée, nécessitant des allers-retours chronophages entre l’administration, l’entreprise et le porteur. Cela demande une connaissance pointue de la législation et des travaux éligibles. « C’est une démarche hyper-technique, pas toujours à la portée des petites communes, précise David Fayard, chef du service Paysage Énergie Renouvellement urbain Habitat (SPERUH) à la DDT de Haute-Loire. Elles n’ont pas le temps de se former ni d’entretenir cette compétence. » « Dans la vie d’une opération, au moment où la commune doit se mobiliser sur le dossier des CEE, elle a d’autres priorités : préparer le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), contrôler le bureau d’études qui réalise l’audit énergétique, monter les dossiers de financement auprès du Fonds Vert, de la Région, de l’UE, etc. », complète Stéphane Fraycenon.

« Il faut fournir des pièces dans un ordre précis, tout est scruté de près par l’administration – ce qui est normal », explique Gilbert Meyssonnier, maire d’Allègre, petite cité de 850 habitants. Pour raccorder des particuliers éligibles au moment de l’extension du réseau de chaleur, la mairie a fait appel à un délégataire pour un « coup de pouce » CEE : « C’était trop compliqué pour notre petite équipe. »

Mutualisation

Une solution réside dans la mutualisation. En créant une sorte de guichet unique d’accompagnement et de financement des collectivités pour la valorisation de CEE, le conseil départemental et la DDT de Haute-Loire pensent avoir trouvé une façon pérenne et efficace de faciliter la vie des petites collectivités.

Pour cela, un groupe de travail a été mis en place, comprenant des élus ou techniciens de la DDT, d’Ingé43, du CAUE, de l’Association des maires de France, de l’Association des maires ruraux de France, du Département, de la commune d’Allègre, de la Communauté de communes Rives du Haut Allier, de la Communauté d’agglomération du Puy-en-Velay et d’Auvergne-Rhône-Alpes Énergie Environnement (AURA-EE). Sur la base de plusieurs retours d’expériences de collectivités du territoire, le groupe, accompagné par AURA-EE dans sa démarche, a pu étudier quatre scenarii de valorisation des CEE allant du clé en main à l’autonomie totale.

 

Une démarche expérimentale

C’est le deuxième scenario qui a retenu la préférence du groupe de travail : un compromis entre une valorisation optimum des CEE par les travaux de rénovation réalisés par les collectivités, et le paiement d’une prestation de délégation efficace associée à un fort besoin d’accompagnement. « C’est le scenario le plus adapté à nos moyens d’animation, explique Stéphane Fraycenon. Il l’est également à notre démarche, qui reste expérimentale. Nous choisirons, après mise en concurrence, un délégataire qui aura le mandat d’un obligé pour récupérer des CEE. Il s’engagera sur un tarif d’achat des CEE à nos collectivités, précise Stéphane Fraycenon. Notre rôle consistera donc à mettre ce délégataire en relation avec les communes du territoire qui souhaiteront valoriser de futurs travaux, clé en mains. »

Une convention tripartite liera ce délégataire, la collectivité et Ingé43. Avant cela, la diffusion d’un sondage auprès des collectivités de Haute-Loire permettra d’informer sur la démarche, et d’estimer le gisement de travaux et donc de CEE sur le territoire. Ces éléments seront intégrés au futur appel d’offres lancé par Ingé43 avec le soutien d’AURA-EE, spécialiste du dispositif. La consultation auprès des candidats délégataires pourrait être lancée dès janvier 2025 et l’opération démarrer au printemps, une fois le délégataire sélectionné. Nous reviendrons sur les résultats, l’accueil par les collectivités et les orientations futures de ce dispositif à la fin de l’année 2025.

Témoignage

Michel Arcis, maire du Monastier-sur-Gazeille

Michel Arcis, maire du Monastier-sur-Gazeille, commune de 1 800 habitants au cœur du Velay, a plusieurs fois fait l’expérience du dispositif CEE.

« Nous avons connu plusieurs situations relatives aux CEE et à leur valorisation. Au début des années 2010, le Conseil général récupérait les CEE pour les communes. Nous avons bénéficié de ce service qui était très pratique. Ensuite, pour des raisons diverses, il a été abandonné et nous avons dû chercher un moyen de les valoriser seuls, ce que nous avons fait en 2015 dans le cadre de la réhabilitation de notre pôle administratif. N'étant pas habitués à traiter ce type de dossiers relativement lourds et complexes, nous y avons passé beaucoup de temps.

Puis, en 2022, nous avons une nouvelle fois valorisé les CEE lors de la rénovation thermique de notre salle des fêtes. À la différence de la précédente opération, nous avons bénéficié des compétences de notre cheffe de projet Petite Ville de Demain qui était spécialisée dans les questions énergétiques. Grâce à son expérience, elle a recherché le meilleur délégataire et a monté les dossiers éligibles, ce qui nous a grandement facilité la tâche.

Depuis, les choses se sont encore complexifiées, les travaux éligibles sont plus nombreux : c’est encore plus difficile pour une petite équipe municipale de monter les dossiers, de vérifier les prestataires, de contrôler les travaux, etc. Nous aimerions changer les fenêtres de notre château qui fêtera ses 500 ans l’an prochain, mais aussi réhabiliter les écoles en les regroupant. Alors que les dotations baissent, nous avons de plus en plus de missions et de travaux : le dispositif lancé par le CLCT est une très bonne solution, même si cela diminuera le montant valorisé par rapport à une gestion directe. Nous pourrons également projeter des travaux inférieurs aux seuils de KWhc : la mutualisation avec d’autres collectivités nous permettra de les mener en obtenant des financements indispensables. Je n’y vois que des avantages ! »