Faciliter l’apprentissage et l’usage des transports en commun aux personnes porteuses de handicap cognitif : l’exemple de la ligne de tramway de Clermont-Ferrand

25.09.2024

Clermont Auvergne Métropole a délégué sa compétence transport au Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération clermontoise (SMTC-AC). Devenu autorité organisatrice de la mobilité (AOM), le syndicat créé en 1976, agit depuis 2018 à l’échelle de 23 communes (21 communes de Clermont Auvergne Métropole, et les communes de Mur-sur-Allier et Pérignat-es-Allier). Il représente près de 300 000 habitants. Au titre de cette délégation, le SMTC-AC a pour mission la mise en œuvre d’un projet politique dont un des enjeux est de permettre la mobilité pour tous. Ceci se traduit par la lutte contre les inégalités de toute nature : géographiques, sociales, économiques et sanitaires.

 

Témoignage de Céline HEKIMIAN et Sophie TARDIVAT du Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération clermontoise

Pourquoi le Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération clermontoise (SMTC-AC) s’est-il lancé dans la mise en accessibilité de sa ligne de tramway aux personnes porteuses de handicap cognitif ?

Les missions du SMTC-AC incluent l’accessibilité des services de transport mis en place et ce, pour l’ensemble des habitants. De ce fait, il est utile de chercher à couvrir tous les types de handicap qui peuvent freiner l’accès aux services de transport. 

En 2019, l’IME (Institut médico-éducatif) Edouard-Seguin à Châteauguay, qui accompagne des enfants et des adolescents porteurs de handicap cognitif, a sollicité le SMTC. La structure souhaitait renforcer l’autonomie des jeunes en leur apprenant à utiliser le tramway afin de faciliter leurs déplacements, actuels et futurs. C’est à partir de cette initiative qu’une réflexion a débuté sur l’accessibilité des offres de transport pour les personnes porteuses de handicap cognitif. 

Dans un premier temps, il est apparu évident que la ligne du tramway devait être le support de ce projet, dans la mesure où elle couvre 50 % de la fréquentation du réseau de transport public. Cette ligne comporte 34 stations, et dessert de nombreux points d’intérêt : services publics, piscine, médiathèque, centre-ville, etc.

Rapidement, le SMTC-AC a sollicité une ergonome pour permettre l’adaptation des visuels aux différents handicaps rencontrés. Il a fallu trouver un moyen de simplifier la compréhension des informations liées à un déplacement, pour permettre aux personnes non lectrices de se repérer dans l’espace et également d’intégrer la notion de sens de circulation.

Le projet s’est donc déployé par la création d’images d’animaux utilisées pour remplacer le nom des arrêts. Le parcours du tramway a été entièrement reconstruit à partir de pictogrammes animaliers, allant du plus petit (à un terminus de la ligne) au plus grand (à l’autre terminus de la ligne), permettant ainsi aux usagers d’intégrer le sens de circulation : vers l’un ou l’autre des terminus.

Qui a participé à l’élaboration du projet ?

Dès 2019, nous avons créé un groupe de travail avec les membres de l’IME Edouard-Seguin. Par la suite, d’autres associations nous ont rejoints, les représentants du CDIPH (Convention relative aux droits des personnes handicapées), mais également des associations de personnes déficientes visuelles et leurs accompagnateurs.

Au-delà de la construction très partenariale avec les associations, les acteurs institutionnels ont été consultés. L’exploitant de la ligne de tramway s’est également joint au groupe de travail en vue de déployer la solution pensée, et l’adapter aux outils d’information voyageurs existants.

La mise en place des pictogrammes sur le réseau a-t-elle été aisée ?

Les premiers tests ont été réalisés sur 5 stations. Les associations participant au projet ont testé les logos in situ avec les jeunes en situation de handicap qui ont évalué la proposition.

Cette phase de test a conduit à certaines adaptations. Le pictogramme devait être visible en tout point : lorsqu’on était face à la station, lorsqu’on en était éloigné et qu’on se situait à l’intérieur d’une rame de tramway.

Pour qu’il soit vu depuis l’extérieur du tramway, le logo a été positionné à la place des anciennes horloges situées sur un totem au niveau de chaque station, mais également sur la vitre principale situé à l’arrière de l’abri, et sur l’une des vitres latérales pour permettre la vision du logo depuis l’intérieur du tramway. Ce travail a nécessité d’insérer de nouveaux éléments visuels de communication dans un environnement contraint, en respectant la place du nom de la station ou le plan du réseau. Des pictogrammes de terminus avec des flèches ont été installés également, afin que les personnes puissent se situer sur le bon quai.

La compréhension du parcours à l’intérieur du tram est une question épineuse. En effet, classiquement, le thermomètre de ligne n’est pas lumineux, et les annonces sonores ou les messages variables à l’intérieur du tram renvoient aux noms des stations et non pas aux logos animaliers. 

Pour suivre le parcours adapté en temps réel, il fallait donc que les pictogrammes des abris soient visibles depuis l’intérieur du tramway en mouvement et que le thermomètre affiché à l’intérieur soit adapté. L’ajout des pictogrammes sur les plans existants n’étant pas possible, un thermomètre spécifique a été installé. De même, les plans du réseau ont été dédoublés : un classique et un adapté.

Un fois que l’ensemble du procédé a été validé et testé, le déploiement s’est effectué sur toute la ligne, en se coordonnant avec la rénovation des stations, prévue en 2023.

Comment cette adaptation a-t-elle été reçue par les autres usagers ?

Une campagne de communication globale sur les modifications apportées aux stations a été lancée auprès des usagers à la rentrée 2023. Au départ, certains questionnaient les chauffeurs, qui ont informé les usagers au cas par cas. Les associations qui œuvraient pour les personnes porteuses de handicap cognitif ont été informées par courrier ; elles ont également reçu des plans adaptés et des outils créés spécifiquement pour faciliter l’apprentissage de la mobilité sur notre réseau.

Comme souvent, un projet à destination d’un public ciblé entraîne des répercussions sur d’autres catégories d’usagers : en famille, les enfants se repèrent grâce aux logos. Ils servent également aux touristes en permettant de dépasser les barrières de la langue. Dernièrement, nous avons même appris que les pictogrammes sont utilisés pour permettre aux personnes qui signalent des accidents de se repérer dans l’espace public.

Est-il envisagé de mettre en accessibilité de la même façon l’ensemble du réseau ?

Dans un second temps, il est prévu de rendre accessibles les futures lignes B et C du réseau. Un travail identique a donc débuté avec la thématique des instruments et des outils.

En complément, depuis plusieurs années, le SMTC-AC organise, avec des associations locales, des journées de formation et de sensibilisation pour les chauffeurs. Lors de ces journées, les personnes porteuses de handicap peuvent expliquer leurs difficultés aux conducteurs. Ces temps d’échanges désamorcent les tensions potentielles pour les équipes du réseau et les personnes porteuses de handicap. Les chauffeurs peuvent les aider à mieux se déplacer sur les lignes.